Le Morvan, c'est rustique, nature et valloné... un terrain de jeu parfait pour les sports nature et le trail en particulier. Lorsque les amis de l'organisation du Morvan Oxygène Trail me parlent en janvier d'une nouvelle épreuve de 80 km sur l'édition 2017, je suis de suite enthousiasmé. Et lorsque la semaine dernière, ils me font le cadeau de partager la trace pour que j'aille y jeter un oeil, je fais mon baluchon illico !
Samedi 18 février donc, 4h30, place de Château-Chinon. Rien ne bouge, -2°C au mercure, j'allume ma frontale et mon téléphone qui fera offce de GPS (j'y consacrerai bientôt une rubrique spécifique). Il faut un brin de courage, peut-être de folie, pour se lancer seul sur une sortie longue et hivernale quand on sort fatigué de la semaine. Mais l'aventure s'annonce belle... vous l'auriez refusée vous ?
Dès le premier kilomètre, je suis dans les bois en mode hors piste, enjambant des troncs et écartants des branches piquantes... ça commence fort. Heureusement la suite se passe majoritairement sur chemin tracé, tantôt le GR13, tantôt le chemin d'Assise, tantôt le GR de Pays du tour du Morvan, tantôt enfin des circuits plus locaux comme la Maraude ou les Sources de l'Yonne.
La nuit tous les chats sont gris alors je progresse prudemment, c'est humide juste ce qu'il faut pour ne pas trop se mouiller les pieds, bien blanc dans les vallons, et frais sur les crêtes. Des chevreuils figés font de l'oeil à ma lampe, des chouettes décollent bruyamment dans les arbres... De bonnes côtes, des relances, un roulé-boulé dans une montée abrupte (quel sot, je n'avais pas pris de corde !), puis plus loin dans une descente pierreuse et glissante... Km 9 je constate que j'ai perdu un de mes deux bidons. Je ferai avec, aujourd'hui pas de ravitaillement, je toquerai aux portes pour faire le plein voilà tout... Encore faudra-t-il trouver des portes me direz-vous !
Fachin, km 11, quelques lumières. Il fait bien frais dans la montée qui mène aux Buteaux. Comme ces kilomètres nocturnes m'ont déjà bien fatigué, je fais une coupe au circuit originel et poursuit quelques kilomètres par la route pour arriver bientôt à Rangère. Un monsieur sympathique interrompt la promenade matinale de son imposant berger d'Anatolie et m'accueille chez lui pour faire le niveau d'eau. Lever de soleil sur l'étang de Rangère, la partie la moins amusante est derrière moi.
Les passages en sous-bois sont orangés comme en automne, c'est très beau. Plus bas la Cascade de la Dragne me donne du fil à retordre, car sans balisage ni sécurisation, la traverser et remonter nécessite de trouver le bon spot. Pas envie de prendre un bain ni d'y laisser ma carcasse. L'horizon se dégage et laisse apparaîre de belles montagnes vertes à l'Ouest, et le Beuvray à l'Ouest. Le Foudon, km 33, annonce la longue descente vers la pointe sud du parcours. Petiton puis Montvernot, où je taille la bavette avec le sympathique couple d'anciens qui occupent les lieux (et leur lapin).
La longue montée vers le Beuvray commence, et l'histoire des lieux jadis très fréquentés se révèle peu à peu ! Tout commence par le chemin de Malvaux, un balcon entièrement taillé dans le roc au-dessus du ruisseau épnoyme. Puis ça continue par la montée du Pas de l'Ane (on peut voir son sabot dans la pierre au sommet, histoire associée à Saint-Martin de Tours).
Ca monte encore jusqu'à l'oppidum du sommet (815 m). Magnifique dégagement offrant un panorama plein sud. Bibracte est là, antique citée éphémère des Eduens au Ier siècle avant JC, qui vît le sacre de Vercingétorix à la tête des armées Gauloises en 52 avant JC et la résidence de César durant un hiver, il y écrivit La Guerre des Gaules.
Je découvre avec curiosité les traces du passé : la chapelle, la fontaine Saint-Pierre, les fouilles archéologiques, les fortifications et la porte du Rebout, le Couvent, le musée... Tout ça mérite sûrement d'y revenir pour découvrir et flâner.
La descente se poursuit jusqu'à l'Echenault, où je croise l'unique randonneur de la journée. On papote ornithlogie, faune et flore, logistique, bien contents de trouver quelqu'un. Peu après l'admirable sentier des Sources de l'Yonne me conduit quasiment au sommet du mont Preneley (855 m), c'est roulant et souple à souhait, avec un chouette passage sur pilotis avant le Port des Lamberts. Cette eau se jetera bien plus tard dans la Seine pour passer sous les ponts parisiens...
La section qui suit serpente le long des crêtes, près des abris de chasse et de la maison du Bas Folin. Plus loin sur la piste de ski de fond, je prends un gadin à la Tex Avery... je me relève la bouche plein d'herbe et le front quelque peu lustré. Tout va bien pour monter au Haut-Folin par le GR13 (901 m). Km 59.
La suite aurait dû être bien plus agréable, le débardage et les arbres en travers façon mikado m'imposent de rouler au pas dans la descente. Les ornières laissées par les engins me font serpenter laborieusement. Peu importe, la balade est vraiment belle et sauvage.
Après les Joies, le bagne des Blandins rappelle l'histoire des forçats qui, voici un siècle, cassaient des cailloux pour le ballast du tacot traversant le massif. Sont encore visibles bâtiments, bassins et carrières.
Suite agréable et parfois bien pentue comme au Rocher du Mouflon (pas vu de chèvre !). Voici bientôt Montignon et la "civilisation", j'ai la sensation d'avoir fait un bon dans le temps et l'espace, véritable parenthèse de tout-de-même 14 heures. J'abrège la fin car je sais que la boucle autour de Château-Chinon va laisser des traces, aujourd'hui comme en juillet prochain pour la course officielle.
Pour conclure sur cette très belle journée solitaire de 73 km (quelques coupes et quelques égarements vite corrigés), le parcours de ce "80 km" est bien équilibré entre relances et parties plus techniques, sans toutefois tomber dans le très difficile. J'ai adoré la partie entre Petiton et le bagne des Blandins, c'est très riche en Histoire et en découvertes, avec des tracés vraiment agréables. L'orientation GPS est étonnament précise, je vous en parlerai plus tard car c'est un autre sujet.
Merci à l'équipe du Morvan Oxygène Trail de m'avoir fait ce cadeau, Jacques en première ligne. Je va-li-de mais attention au final des derniers kilomètres qui va laisser des traces, je le sais pour l'avoir fait ces deux dernières années... on ne monte pas au "calvaire" pour rien !
Comment appelle-t-on le foulard qui m'a tenu chaud aujourd'hui ? ... Un Buff bourguigon, ça va de soi !