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Que s’est-il passé ? Pourquoi ai-je validé cette fichue inscription ? A quelques jours du départ, me voici partagé entre appréhension - un peu - car je n’ai pas l’habitude des profils très montagnards, et excitation de la découverte – beaucoup - parce que le programme est bigrement réjouissant. Nous sommes le 24 août 2018, je viens de rejoindre le parc de l’hôtel de ville de Seyssins et de confier mes sacs à l’organisation. Avec un sac de 5 litres en guise de baluchon, j’attends sagement le départ de l’UT4M Xtrem, « le trail des Alpes, où la magie se produit »…

1. L'affiche, 2. En route, 3. Le profil1. L'affiche, 2. En route, 3. Le profil1. L'affiche, 2. En route, 3. Le profil

1. L'affiche, 2. En route, 3. Le profil

Massif n°1, tour de chauffe dans le Vercors

 

Après quelques échanges avec Jean-Christophe et Luca et un tour d’honneur du parc, le cortège des coureurs s’étire gentiment dans des rues puis de larges chemins. Le public est nombreux, je tape les mains tendues des enfants pour prendre leur énergie. Il ne manque plus que la musique des Chariots de Feu et des gros plans au ralenti sur les visages de ceux qui vont souffrir pour un beau rendu cinématographique… Mais je m’égare un peu. Revenons donc sur le chemin qui s’élève gentiment, un premier coureur est déjà arrêté avec une cheville tordue. Pour arriver au km 13 à St-Nizier-du-Moucherotte (1240 m), rien de compliqué finalement, mais plutôt du fun en remontant le vieux tremplin olympique de saut à ski porté par le public et les cloches. Les jeux de 1968, pourtant lointains, sont bien présents sur ce bassin grenoblois.

UT4M Xtrem 169 km, le trail des Alpes où la magie se produitUT4M Xtrem 169 km, le trail des Alpes où la magie se produitUT4M Xtrem 169 km, le trail des Alpes où la magie se produit

Après St-Nizier, l’affaire se corse quelque peu et devient plus technique. Hors de la forêt, les monotraces bien pentus mènent au Moucherotte (1901 m), superbe belvédère au-dessus de la capitale des Alpes. Il ne faut pas y rester trop longtemps car le vent frais souffle ici dans le ciel azur. Une pause de quelques minutes et ça repart vers le ravitaillement de Lans-en-Vercors au km 21, en réalité bien au-dessus du village à la station de ski. Je me joins à un petit groupe pour l’ascension facile du Pic Saint-Michel, où je papote avec les bénévoles. La vue sur le plateau est splendide au soleil couchant, et de l’autre côté les falaises abruptes offrent des aplombs vertigineux. De quoi frissonner de plaisir.

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Il est 21h lorsque je bascule seul dans la descente longue et parfois très glissante qui dévale du plateau à travers les fôrets. Torrents, passage avec des cordes, toujours rester vigilant ! Un vrai plaisir néanmoins de lâcher les chevaux pour gagner Saint-Paul-de-Varces (370 m) et son ravitaillement autour de la fontaine du village. Dernière petite bosse de ce premier massif, la montagne d’Uriol (810 m) qui se gravit à un rythme très régulier sur de larges sentiers. Basculer sur Vif (310 m) pour gagner la première base de vie n’est plus qu’une formalité.

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40 km, 7h16 de course, tous les voyants sont au vert. Check ! Même si la forme est là (pour l’instant !), il ne faut jamais griller les étapes d’un ultra. Pâtes, sieste de 30 min, nouvelles chaussettes, de quoi repartir dans de bonnes conditions. Je retrouve avec surprise l’ami Philippe venu en spectateur, que de temps depuis notre GR70 il y a deux ans.

Massif n°2, tour de magie dans l’Oisans

 

Il est 00h13 lorsque je repars. Pour aller chercher les premiers contreforts, il faut traverser le Drac et le village de Saint-Georges-de-Commiers. La montée est douce et régulière, sans difficulté finalement. Au détour d’un chemin je fais le plein d’eau dans une source captée et arrive bien vite au lac de Laffrey (900 m). Km 53, première marche de l’Oisans franchie. En dépit de la fraîcheur nocturne, on sent une joie de vivre sur le ravitaillement : musique, sourires, encouragements. Je bois du petit lait du fromager local pour les protéines, savoure le bleu du Vercors et la saucisse grillée, et prends avec moi une banane pour les glucides.

Je poursuis seul au bord du lac éclairé par la lune, une vision que les impressionnistes n’auraient pas renié. Pas de difficulté particulière pour l’ascension qui alterne forêts et parcs à vaches. Après la Grande Cuche où il fait bien frais, je redescends tranquillement vers la station de ski de La Morte (1370 m). Seconde marche de l’Oisans franchie. 13h04 de course à ce ravitaillement, je fais une sieste de 40 min sous des couvertures et quand je repars, le jour se lève enfin.

 

Les kilomètres qui arrivent seront l’une des plus belles ascensions de cet UT4M. Je sors bien vite de la forêt sur un petit monotrace qui zigzague dans la pente et dans les cailloux. Attention aux appuis ici car dévisser serait vraiment dangereux. Je discute avec des Charentais, preuve s’il en est que la montagne réussit aussi aux gens des plaines. Il est 7h49 lorsque je parviens au pas de la Vache (2332 m) où des bénévoles ont planté la tente. C’est la première fois que je sors mon coupe-vent car le vent est vraiment intense et froid. Les massifs environnants jouent à cache-cache avec la mer de nuages dans une vue à 360°. Magnifique.

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La descente s’amorce vers le Lac de Brouffier 200 m en-dessous. J’y salue la bergère dans son chalet et continue le plongeon vers le ravitaillement du lac de Poursoullet (1650 m, km 76) sur un chemin piégeux. On rigole bien avec les bénévoles déguisés en sorcières et en magiciens… tant et si bien que j’oublie de remplir mes bidons ! Economie d’eau donc dans l’ascension qui suit. Je commence à être bien fatigué et ça me paraît bien long. Avec deux compagnons de route, nous rentrons dans les nuages pour gagner un sublime plateau. Ici le décor de landes et de bruyères est féérique, les nuages bougent très vite entre ombres et lumières donnant aux tourbières un petit côté écossais. On aperçoit ici un lac à l’eau transparente, là le Taillefer (2857 m) immobile. Après avoir longé un torrent qui grossit à vue d’œil, voici le ravitaillement des Chalets de la Barrière et la fin du plateau.

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Je retrouve par hasard l’ami Christophe alias mister Wondertrail pour une descente annoncée hyper pentue. Le fait de discuter adoucit sûrement un peu notre peine et surtout celle de nos quadriceps. Une heure et quart plus tard voici la seconde base de vie à Rioupéroux avec son public nombreux.

88 km, 20h28 de course, les voyants sont toujours au vert. Check ! L’accueil dans l’école du village est original et parfois comique. Je vous dispense du passage savoureux dans les toilettes enfants, toilettes à la turque où les portes de 1m20 de haut favorisent la convivialité. Double soupe, pâtes et sieste de 30 min. Chaussettes propres pour repartir une heure plus tard. Il est 13h21.

Massif n°3, tour de reins dans Belledonne

 

Ce troisième volet début par un morceau de bravoure, le kilomètre vertical que certains redoutent depuis quelques heures maintenant. Pour ma part, je suis très curieux de découvrir cela et croyez-moi, je n’ai bizarrement pas souffert dans cette montée abrupte (1000 m D+ en 2.3 km) où il faut simplement se montrer patient. Au cœur de ce « mur », un évènement vient cependant troubler ma relative quiétude : je glisse et casse un bâton carbone. Ce n’est pas une bonne idée, je suis à mi-course et il va falloir me passer de mes fidèles béquilles et donc mettre à plus rude épreuve mon corps. Ni une ni deux, je trouve bien vite une branche solide à la bonne longueur et pose ma bande adhésive en guise de strap. Joyeux de cette trouvaille, je gagne bientôt la station de l’Arselle (1630 m) pour une courte pause.

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Les kilomètres qui arrivent se font dans un brouillard froid et épais, et sur une piste de raquettes bien cabossée par les branches et les cailloux. Je suis en compagnie de Sébastien qui connaît les lieux et me fait donc la visite commentée. Curiosité, nous sommes au milieu des pins avant de déboucher sur le plateau minéral et ses lacs fantomatiques. Il fait de plus en plus frais, pour ne pas dire froid. Km 97, la tente de la Croix de Chamrousse surgit de la purée de pois. Et surprise les amis Brigitte et Georges font partie de l’équipe de bénévoles. Un abri providentiel où la soupe chaude est un vrai luxe. J’en remplis un bidon avant de replonger dans la tempête. -9°C en relatif en plein mois d’août ça secoue un peu et ça justifie le matériel obligatoire de ce type de course : j’ai tout enfilé, bonnet, gants, veste et surpantalon étanche !

Heureusement le temps se calme un peu aux lacs Robert et permet de continuer plus sereinement, toujours avec Sébastien. Ici c’est la planète Mars, tout est gris, minéral, rocailleux. Et pour admirer le paysage, une seule règle d’or : s’arrêter, sous peine d’y laisser une cheville. Nous remontons un torrent et débouchons un peu plus loin sur un écrin verdoyant au fond duquel loge le Refuge de la Pra (2100 m). Ravitaillement en eau, le parcours est dévié pour contourner le Grand Colon, trop froid et périlleux.

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Nous amorçons ici une descente d’une bonne quinzaine de kilomètres qui me paraît interminable. La nuit arrive, la progression sur les pistes est longue, longue, longue, entre racines et cailloux. Il est 22h00 lorsque nous arrivons aux Freydières (1120 m). Pluie pendant dix minutes qui cesse heureusement pour dévaler vers Villard-Bonnot. Les amis Sylvain et Anne-Lise me rejoignent en spectateurs, et suite à mon alerte par sms m’apportent une paire de bâtons pour la suite. Après une petite danse de la joie, je continue gaiement vers la vallée et la traverse au pas de course. C’est assurément l’endroit le moins sexy du parcours avec la traversée de l’Isère, d’une zone d’entreprises et de l’autoroute. Peu importe, St-Nazaire-les-Eymes (290 m), me voici !

127 km, 33h03 de course, base de vie n°3. Check ! Aucun bobo physique, la machine tient le coup. Une bonne fatigue en revanche. Je rejoins Tidgi, Olivier, Céline et d’autres compagnons du week-end. Pâtes, ravioles, soupe, fromage. Un festin. 20 min de sieste, ce n’est pas assez mais je tente l’expérience de repartir quand même, oubliant presque de remplir mes bidons. Et je vais le regretter…

Massif n°4, tour de force dans la Chartreuse

 

Il me faut environ 20 min avant que tous les curseurs ne s’affolent. Mayday, mayday… Une fatigue immense me tombe dessus, mon regard ne focalise plus, je sens que je titube sur ce chemin qui s’élève au fur et à mesure. Un petit groupe me rejoint et je m’y accroche un bon quart d’heure. Je prends alors la décision de faire un petit somme au milieu du monotrace. Coupe-vent puis extinction des feux pendant 10 min. Alors je que je repars, Sébastien me rejoins. Alleluia, de la compagnie ! Nous sommes à peu près dans le même état de marche mécanique, qu’importe on avance dans la nuit et le froid. Cette ascension, bien que très belle, est interminable. A chaque coin de forêt je crois apercevoir un chalet ou des voitures, qui ne sont que des hallucinations de fatigue. Le jour se lève et à 6h56, un petit miracle se produit, le chalet de l’Habert de Chamechaude (1570 m) apparaît. 1h15 d’arrêt pour s’alimenter et surtout dormir à l’étage sur un matelas providentiel. Ça change tout pour la suite. L’art de l’ultra c’est aussi ça, savoir inverser la vapeur lorsque la machine déraille.

Le sommet de Chamechaude est neutralisé car les conditions sont mauvaises, néanmoins dans la descente le beau temps revient et les jambes aussi. J’aime cette sensation lorsque les voyants repassent au vert et annoncent une fin d’épreuve jubilatoire… Je scrute le groupe autour de moi, tout le monde semble aller à la même allure et personne ne sera isolé. Ni une, ni deux, je prends la poudre d’escampette et c’est parti pour 30 kilomètres à tombeau ouvert. Je les ferai en 3h45 c’est dire.

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9h23, passage éclair au ravitaillement du Sappey (990 m) à l’ambiance des îles. Je commence à doubler un, deux, trois coureurs… Je salue Tidgi au passage. Puis la montée s’amorce pour aller au fort Saint-Eynard (1338 m), je la fais à bon rythme et les premiers de la course de 40 km me doublent. Au fort le chemin devient une large piste en lacets jusqu’au col de Vence (760 m), ça permet de dérouler ma foulée… l’éléphant qui se prend pour une gazelle !

10h43, arrêt minute encore pour attaquer en marche active le bon kilomètre de faux-plat montant qui suit et rebasculer dans un rythme fou vers la Bastille. En ce dimanche matin mieux vaut prendre soin des promeneurs qui m’encouragent tout-de-même. C’est à deux kilomètres de l’arrivée, un peu grisé par la vitesse, que je décide de terminer l’épreuve en volant. Evidemment cela ne marche pas, du moins pas longtemps, et j’atterris bien vite à plat ventre sur les gravillons pour une belle glissade. Plus de peur que de mal, seul le vernis est entamé. Voici la ville et les quais, la ligne de vie au sol qu’il faut suivre pour un bon kilomètre urbain… et l’arche d’arrivée ! Dans ma cavalcade finale, j'ai doublé une quarantaine de coureurs tout-de-même.

J’avais promis à Sylvain et Anne-Lise d’arriver avant midi, il est 11h59min37s. Check ! Un temps réel de 43h54min réajusté à 44h48min avec la correction des parcours de repli. Et une inespérée 138ème place sur 470 partants et 269 arrivants (43 % d’abandons).

Post Mortem

 

Moi qui craignais pour mes muscles dans ces ascensions et ces descentes interminables, je n’ai jamais été inquiété. Je me suis parfois ennuyé du manque d’alternance mais l’ultra est ainsi, on passe toujours par des hauts et des bas. Merci à tous mes compagnons de virée et à l’organisation sans faille. Tous les bénévoles connaissaient parfaitement les distances et le circuit, les ravitaillements étaient top et le balisage aussi (12 000 rubalises qui dit mieux ?). Chaque massif a une identité unique ce qui rend la découverte passionnante : le Vercors belvédère sur Grenoble, l’Oisans mystique et intimiste, Belledonne minérale et technique, la Chartreuse cachée et verdoyante. De beaux panoramas variés, il ne m’aura manqué qu’un fil conducteur historique pour parfaire tout cela. Mais ça aurait été la cerise sur un gâteau qui est déjà savoureux à souhait.

Tag(s) : #ut4m #grenoble #trailrunning #courseapied

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