03 Jul

Tournée de Chartreuse - rando 110 km

Publié par Jérôme Bégon

Cing jours de randonnée en autonomie dans le massif de la Chartreuse, une parenthèse enchantée à la rencontre des éleveurs, des forestiers… et bien sûr des moines et de leur célèbre digestif ! Avec Laetitia, on partage notre parcours entre Isère et Savoie. Tente et duvets sur le dos, on allait sans le savoir échapper à la canicule installée sur la France entière.

Le parcours théorique (qui ne fut, bien sûr, pas respecté !)

27 juin 2025
17 km / 1000 m D+
Le Sappey-en-Chartreuse / St-Pierre-de-Chartreuse

Minuit pile, notre Flixbus entre en gare de Tours, direction la capitale des Alpes. Un moyen direct et vraiment pratique de voyager si tu arrives un tantinet à dormir assis. Il est 9 heures lorsque nous débarquons, un peu de marche pour nous poster à La Tronche, le pouce en l’air. Deux voitures plus tard (dont un énorme Dodge Ram), nous voici au Sappey-en-Chartreuse. On fait un généreux pique-nique dans le jardin des poètes avec les produits locaux de l’épicerie.

L'Habert de Chamechaude

Le savais-tu ? Ici on nomme « pesse » le sapin sur pied, et « sappey » le sapin abattu.

Kilomètre zéro, c’est parti ! Ici démarre une ascension longue et continue sur des sentiers forestiers qui heureusement sont ombragés, ce qui nous permet de ne pas suffoquer. Une belle alternance de revêtements, épines, rochers cassants, racines, graviers. Notre arrivée à l'Habert de Chamechaude nous offre une vue imprenable sur la montagne éponyme.

Chamechaude (2082 m), point culminant du massif

De forêts intimistes en fenêtres panoramiques, nous arrivons sous la dent de Crolles où un immense alpage accueille plus d'un millier de brebis. Nous échangeons avec le berger sur la problématique des loups et des patous, partagé qu'il est entre la nécessité de protéger son troupeau et les relations avec les promeneurs ou défenseurs des loups.

Une dernière bosse et on plonge sur St-Pierre-de-Chartreuse, pour un premier bivouac au bord de la rivière.

La transhumance des brebis au pied de la dent de Crolles

28 juin 2025
29 km / 1600 m D+
St-Pierre-de-Chartreuse / Entremont-le-Vieux

St-Pierre-de-Chartreuse est le siège de Raidlight, marque bien connue des traileurs et randonneurs de tout poil. On attaque la journée par le kilomètre vertical à travers une sente forestière abrupte qui nous porte à la cabane de Bellefont. Les ambiances magiques se succèdent : la lumière irréelle dans la végétation, les fenêtres ouvertes sur les différents massifs, les sentiers aériens en balcon, le bruit de la faune qui s' éveille…

Fenêtre ouverte dans le kilomètre vertical

Soudain un sifflement perçant fait écho au chant du coucou... Les marmottes filent se cacher à l'abri, on est repérés.

On passe de l'ombre à la lumière en gravissant le col de Bellefont sous un sol de plomb. Bien entamés, on trouve le spot de pique-nique idéal : en face de nous, le Mont Blanc éclatant sur un fond azur, encadré par les crêtes de la Chartreuse.

Au col de Bellefont (le Mont Blanc en ligne de mire)

Requinqués on descend la vallée de Marcieu dans la fournaise, une longue traversée de sud en nord : d’abord des chaos rocheux où la végétation s'accroche aux bribes de terre, puis des alpages encore vides de tout troupeau, où fleurs et insectes abondent.

On s'échappe du plateau par une forêt naissante et de grandes dalles calcaire façonnées par l'érosion. La Providence et le monde agricole placent sur notre chemin une succession de grandes bassines pleines d'eau. On s’y rafraîchit copieusement. On replonge dans la forêt non loin du cirque de Saint-Même. Un brusque souffle d’air frais nous fait nous retourner : c'est l'entrée d'une grotte qui laisse échapper sa fraîcheur.

Spa agricole

Saint-Même est un petit bourg regorgeant de fontaines et vieilles granges, qui nous permet de rejoindre St-Pierre-d’Entremont par un sentier forestier. Après un ravitaillement au Spar, on reprend nos sacs sous la canicule et l’ombre, heureusement. On établit le bivouac à Entremont-le-Vieux, au bord du Cozon. Nous voici en Savoie !

Bienvenue en Savoie !

29 juin 2025
32 km / 1550 m D+
Entremont-le-Vieux / station nordique de la Ruchère

Ce matin on attaque en douceur. Le caractère aérien de la veille disparaît au profit de sentiers moins pentus et beaucoup plus « terrestres ». Aux bois succèdent les alpages et on trouve à déguster du fromage frais de brebis et de chèvres à la ferme du Petit Blanc. Délicieux !

Après les épouvantails du Grand Carroz, on amorce la descente. C’est à la station du Désert d’Entremont que nous pique-niquons. Opération de la jambe pour retirer une tique. Au passage, nous assistons aux premiers pas émouvants d’un veau à peine né.

Tout schuss !

Le franchissement du col de la Cluse laisse place à une succession de charmants petits bourgs, comme les Fiolins et Corbel… Heureusement, nous pouvons nous rafraichir dans les fontaines omniprésentes, toujours près des anciens fours à pain. Bien que très accueillant, le secteur est néanmoins peu fréquenté par les randonneurs en ce début d’été caniculaire.

Sur le circuit des fontaines

C’est ensuite la plongée vers le Guiers Vif, que l'on traverse sur un petit pont de fer.

L'ascension intimiste du sentier des Croquis

Inversion de pente, on s'engage sur le sentier des Croquis, qui offre çà et là des points de vue et panneaux explicatifs pour apprendre à dessiner paysages et perspectives... Les conseils sont toutefois réservés aux artistes à grosses cuisses, car la pente reste bien raide. Ce sentier nous amène au Hameau du Château. Ici se dressent encore les vestiges d'un bâtiment du XVIème siècle, témoin de la guerre entre la Savoie et le Dauphiné.

Les ruines du château de Montbel

En son cœur trônent un vieux lavoir et son four à pain, sous un kiosque fleuri propice aux discussions du village.

On aborde ensuite une section difficile. Après la montée dans les coupes d’arbres, le sentier plonge au Pas de Nay, devenant aérien, accidenté, fuyant et fortement pentu… Magnifiquement vertigineux.

Le franchissement acrobatique du Pas de Nay

On traverse un éboulis rocheux gigantesque et on finit sur un chemin défoncé par les grumiers. Nous voici au Grand Village, où on fait le plein d’eau et un brin de toilette cachés derrière les grumes.

On termine la journée à la station nordique de la Ruchère, seule zone plane du coin où nous plantons notre tente. Le soleil se couche lentement sur les massifs, avec de belles teintes roses.

30 juin 2025
24 km / 1550 m D+
Station nordique de la Ruchère / auberge du Charmant Som

C’est presqu’une tradition matinale, on attaque par la montée à travers bois jusqu’au col de la Ruchère.

Au col, on traverse un alpage où les vaches se reposent et nous regardent passer d'un oeil placide. L'accès au Pas du Loup se fait par un passage étroit, rocailleux et escarpé où le sac frotte un peu sur les bords.

Sous le Grand Som

Nous sommes au pied du Petit Som, le décor est sublime et vertigineux.

Au Pas du Loup

La descente est d’abord technique, puis devient très confortable sur un tapis d'aiguilles et de racines. Plusieurs belvédères offrent une vue imprenable sur le lieu de vie des moines de la Grande Chartreuse.

En approche de la Grande Chartreuse

On descend gentiment jusqu'à la Correrie, siège de l'activité touristique de la confrérie. Une exposition temporaire parle de l’économie monastique et des productions de chaque lieu (liqueur, confiseries, terrines…) qui participent aux frais de fonctionnement.

Pique-nique monastique sous le tilleul de la Correrie

On pique-nique dans le parc à l'ombre de l’immense tilleul, la chaleur est intense.

Sous l'arête de Bérard

Après une discussion avec un garde de l’ONF, on valide le fait de quitter le GR au profit d'un chemin non balisé, plus court… donc plus pentu ! C'est le début d'un magnifique kilomètre vertical qui ne laisse jamais de répit. On suit l'arrête rocheuse de Bérard pendant un bon moment.

Les contreforts du Charmant Som

Encore la Providence, on échappe à un éboulis, puis un chamois nous salue, à quelques mètres de nous. On rattrape le GR au Collet, à 2 km de l'auberge où nous attendent bière, fondue et tarte aux myrtilles.

Les orteils en évantails

Un vrai diner romantique à la lueur des bougies.

Fondue et canicule !

Avec les clients qui s’attardent en altitude pour échapper à la fournaise grenobloise, nous admirons les orages qui arrivent sur fond de coucher de soleil. On monte le bivouac puis on se réfugie sous la tente pour un concerto de grondements et d’éclairs qui va durer quelques heures.

L'orage approche.

1er juillet 2025
16 km / 550 m D+
Auberge du Charmant Som / Le Sappey-en-Chartreuse

Après un réveil au sec et un petit déjeuner façon brunch (omelette aux oignons caramelisés lyophilisée), on pose nos sacs devant l'auberge pour monter au sommet, allégés. Trois adolescents d'une quinzaine d'années partagent leur première expérience de bivouac sous l’orage. Après 200 m de D+ et 1,5 km d’une ascension facile, le sommet nous offre une superbe vue à 360°. Ici les gens prennent le frais.

En haut du Charmant Som

On récupère nos sacs dans la descente puis on attaque le dernier tronçon.

Petit détour par la Pinea, dont l'ascension nous surprend par sa difficulté. Ici il faut s’aider des mains pour mériter le superbe panorama sur Grenoble. Mention spéciale aux deux jeunes octogénaires de 84 et 86 ans qu'on croise en chemin, encore fringants et pleins de passion pour la montagne.

Au sommet de la Pinéa

Ravit'eau et pique-nique au col de Porte. Les chemins faciles nous guident pour les ultimes kilomètres. Retour au Sappey, la boucle est bouclée. Festin de fin de séjour, avec le fabuleux yahourts aux myrtilles du village.

Epilogue : on trouve un auto-stop direct jusqu’à la gare de Grenoble. Nous y retrouvons l’ami Sylvain (Bazin) pour une agréable pause qui permet de partager les projets des uns et des autres. Flixbus retour : départ 20h40 pour arriver à Tours à 05h… Nous sommes à l’heure au travail !