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Ultra Trans Aubrac 105 km

Ce 12 avril, un énorme défi me tend les bras : tester l'autonomie de ma montre GPS et vérifier ainsi si elle accepte les distances à trois digits ! Si je dois le faire une fois dans ma vie, chose sûre ce sera en Aubrac, là où j'ai également effectué mon premier 42 km il y a deux ans.


Avant-course

J'arrive l'avant-veille de l'épreuve, ça permet de se poser tranquillement, d'humer l'air pur du plateau, de faire de belles rencontres. A Laguiole, je retrouve tout d'abord Marie-Hélène au domaine du Vayssaïre. Merci pour cet accueil toujours chaleureux. Le nouveau gite contemporain sera inauguré le mois prochain pour la transhumance. Génial, il faudra bien sûr revenir, je vous le recommande. Je rencontre ensuite Honoré Durand, illustre fabricant des couteaux de Laguiole dont la qualité n'est plus à démontrer, mais aussi trailer averti. Honoré fait partie de l'organisation Action 12, c'est un vrai plaisir d'échanger avec lui sur nos périples passés et projets à venir. Merci pour ce moment précieux. Enfin, à l'abbaye de Bonneval, c'est avec joie que je retrouve soeur Eliane après l'office des Nones. J'admire une fois de plus ses clichés, et j'en profite pour faire le plein de bons chocolats, on peut être sportif, esthète et gourmand n'est ce pas ?!

La fin de journée sera  flânerie dans Espalion, histoire de me remémorer le passage sur le chemin de compostelle il y a cinq ans, et son orage diluvien vécu sous la tente. Puis un crochet final à Bertholène pour le retrait du dossard avant de gagner St-Géniez-d'Olt, lieu d'arrivée de l'épreuve.


Acte I : Bertholène - St-Côme-d'Olt (24 km)

5h30 du matin, il est l'heure du briefing d'avant-course. Trouillomètre au maximum, l'heure n'est plus au doute mais à l'action. La météo annoncée est très clémente, avec peut-être quelques gouttes l'après-midi. Néanmoins les chemins sont secs, tout se présente plutôt bien. Le cortège des 215 coureurs solos ascensionne paisiblement la butte jusqu'au château où le départ sera donné dans quelques minutes. Ambiance médiévale : la lune et les torches nous éclairent, puis le château s'embrase, les feux d'artifice voltigent, la musique retentit. Les larmes ne sont pas loin. C'est parti pour une extraordinaire escapade. Je salue avec émotion ma ravitailleuse, Karine aura elle-aussi une grosse journée.

Six jours que je n'avais pas chaussé mes runnings, ouf je n'ai pas oublié comment courir ! Je me répète en boucle "Jérôme, ne t'emballe pas", le profil est très roulant, véritable piège qui peut faire oublier que l'arrivée est encore trèèèès loin. Dans ma tête, j'ai bien découpé le tracé total en quatre morceaux qui seront autant de petits objectifs à accomplir pour réaliser le grand. C'est pierre par pierre qu'un ultra se construit, il va falloir se montrer patient. Passage au dessus de l'Aveyron qui n'est encore qu'un petit ruisseau, à Gabriac où le soleil pointe déjà le bout de son nez pas même une heure après le départ, puis on arpente des monotraces parfois boueux (difficile exercice) mais toujours plaisants. Parti sur un rythme raisonnable, je suivrai presque tout le long un relayeur au t-shirt jaune fluo qui a un rythme très régulier. Au pied d'une grande pile où je retrouve le GR65, on surplombe la vallée du Lot, et la plongée vers St-Côme-d'Olt ne tarde pas. Je me retrouve seul dans la descente, quel plaisir de relancer à cette allure, de jouer avec les pierres et les aiguilles des arbres. Je double le premier blessé de la journée, cheville tordue, aïe c'est compromis pour lui. Je rejoins le ravitaillement en 2h28, en avance sur mes prévisions sans jamais m'être cependant mis en sur-régime. Il faut ici jouer des coudes, les premiers relayeurs sont arrêtés et le peloton des solos pas encore suffisamment étiré. Je fais le plein d'eau et de nourriture pour la longue portion qui arrive. Et je m'empare de mes fidèles compagnons, mes bâtons, la course peut commencer !

Du départ à LaguioleDu départ à LaguioleDu départ à Laguiole

Du départ à Laguiole

Acte II : St-Côme-d'Olt - Laguiole (32 km)

Après cette mise en jambe, c'est parti pour ... 50 km de profil asccendant. On surplombe St-Côme sur un pittoresque monotrace en balcon, je commence à me rertouve seul sur certaines portions. On est encore à découvert, je ne m'emballe pas dans la montée, je discute avec quelques coureurs qui découvrent aussi cette distance. Sympa. Puis vient la descente abrupte sur l'abbaye de Bonneval, où je manque de peu une belle glissade. Ouf. Je retrouve Karine qui m'accompagne sur quelques centaines de mètres, et c'est parti pour une belle portion intégralement dans les bois, où la pente s'accentue. Traversée d'une cascade, quelques relances pour récupérer. Les jambes sont là, je les préserve. Le temps s'allonge mais le paysage le fait oublier. En route vers le plateau.

La Vitarelle, km 42, je me désaltère dans un abreuvoir, il fait chaud et tout le monde transpire à grosses gouttes. Une petite fille a la bonne idée un peu plus loin de tendre des verres d'eau salvateurs aux coureurs. Suivent ensuite 12 km piégeux dans le sens où la pente n'est pas très forte, obligeant en permanence à faire un choix entre marche rapide et relance modérée. Je traverse Saint-Rémy-de-Bédène puis arrive jusqu'au majestueux château du Bousquet. Le sol se fait très gras par endroit, cette portion est longue. Je fais ici la connaissance de Jean-Chris, trailer toulousain avec qui je vais faire un bout de route. Et me voici bientôt à Laguiole. 55 km, 7h20 de course, une bonne pause s'impose. Je m'assoie, change de t-shirt mais pas de chaussettes car je sais l'opération inutile vu les passages boueux, courts mais omniprésents. Je retrouve Karine et Honoré et fais le plein de salé. J'abandonne la boisson énergétique, trop de sucres. Allez on y retourne.


Acte III : Laguiole - Aubrac (22 km)

A l'assaut du plateau, le parcours traverse la boutique mais surtout la forge d'Honoré. Un véritable plaisir pour les yeux, dommage qu'on ne puisse pas s'arrêter plus longtemps. Le chemin est agréable, le soleil au beau fixe. Je suis sur le tapis roulant qui va me porter tout en haut, sur les étendues que j'aime tant. Hop, hop, en sautillant sur les chemins me voici arrivé en quelques kilomètres chez Michel Bras, chef triplement étoilé qui nous a réservé un ravitaillement surprise. Royal ! Riz au lait, smoothie de fruits rouges, cake au chocolat, la halte fait du bien à l'estomac et au mental. La suite se déroule dans d'agréables tapis de fleurs, perce-neige et jonquilles nous accueillent avec poésie pour nous mener au pied des pistes de la station de ski du Bouyssou. Il reste des plaques de neige, sous le soleil c'est un régal. Il y a un parcours de santé mais je m'abstiendrai de faire le cochon pendu ou quelques tractions ! Je poursuis jusqu'au Puech du Roussillon après quelques centaines de mètres hors piste, faute d'inattention de tout le petit groupe que nous sommes.

De Laguiole au BouyssouDe Laguiole au BouyssouDe Laguiole au Bouyssou

De Laguiole au Bouyssou

Ensuite c'est la bascule vers le buron de la Paouade et la jonction avec le GR de pays du tour des monts d'Aubrac, arpenté en septembre dernier version solo. Ca devient dur, les mottes sont cassantes, la neige usante, mais les paysages magnifiques : bois, cascades, boraldes à traverser. Çà et là on coupe une route où quelques supporters nous encouragent. Certains coureurs sont arrêtés, déjà à bout de forces, alors qu'on attaque l'ascension du Puy de Gudette d'où la vue est incroyable, surplombant largement le plateau. Mais où est ce ravitaillement ? Je ne le verrai qu'au dernier moment, surgissant derrière une colline. Le buron des Bouals est là, enfin, après 77 km et 11h06 de course. Chaise, coca, tucs, toasts au fromage, tout y passe ! Jean-Chris repart un peu avant moi. Tout le monde est un peu usé, certains abandonnent. L'idée ne m'effleure même pas l'esprit, je suis venu pour aller au bout. Et tant que je ne me serai pas cassé une jambe, j'irai !

Du Puy de Gudette à BrameloupDu Puy de Gudette à BrameloupDu Puy de Gudette à Brameloup

Du Puy de Gudette à Brameloup

Acte IV : Aubrac - St-Géniez-d'Olt (28 km)

Après ce bon quart d'heure, il est difficile de se relancer d'autant plus que les nuages noirs menacent d'un coup. Je grignote quelques noix de cajou en marchant avec Karine et c'est reparti. Voici la domerie, ancien monastère et hôpital, imperturbable au gré des ans et des saisons. Chouette, je rejoins la voie romaine que j'avais tant maudit en novembre pour son humidité. Là c'est beaucoup mieux, ça passe tout seul. La première féminine me rejoint mais ne tardera pas à être décrochée dans l'ascension après un petit pont de bois. Je suis en terres amies, j'ai des ailes ! Je cours pratiquement tout le temps pour rejoindre une tourbière et la route de Brameloup. Je réalise les kilomètres qui me séparent de l'arrivée, mine de rien ils se réduisent. La suite, ce sont 7 km très agréables, d'abord en hors piste intégral dans la forêt, puis sur un sentier bien roulant.

Un final d'anthologieUn final d'anthologieUn final d'anthologie

Un final d'anthologie

Le meilleur reste à venir : qui nous a collé une portion de 12 km type frappadingue ? Des montées sèches droit dans la pente, des descentes tout aussi abruptes, puis on remonte de l'autre côté. Ici une rivière à traverser avec de l'eau jusqu'aux genoux et une corde en guise de rampe, là un secteur où la boue m'arrive aux chevilles. Les kilomètres deviennent longs, très longs. On essuie trente minutes de pluie intense, qui rafraîchit finalement. Et le soleil revient pour décliner à l'horizon. Je retrouve Karine sur la dernière ascension, elle aura été présente toute la journée pour me supporter. Tiens, le test est concluant : ma montre indique 100 km, elle supporte donc 3 digits ! Il est temps d'allumer ma lampe, j'assure les appuis dans les descentes, jouant au chat et à la souris avec les coureurs de devant que j'aperçois dans les lacets. Finalement j'en rejoindrai quelques-uns au pied même de l'église de St-Géniez-dOlt. Je cours jusqu'au bout, je peux terminer au-dessous de 16h. Les bords du Lot, le camping, le stade, le gymnase, de la lumière qui se rapproche, des applaudissements, un GPS qui affiche 15h 54min 08s et 3600 m D+. 197 partants, 144 arrivants, cerise sur le gâteau je suis 42ème. Je... l'ai... fait !!!!!!

Epilogue

Une bonne douche, un aligot saucisse, cette fin est joyeuse d'autant plus que mes jambes ne sont pas trop délabrées. En adaptant mon entraînement à mes sensations depuis quelques semaines, je suis arrivé au bout de ce beau voyage en misant uniquement sur des séances de qualité : 10 km ou 15 km, la seule sortie longue étant une rando-course 6 jours avant. Merci à Action 12 pour son organisation attentive et impeccable. Merci à mes compagnons d'échappée, Jean-Chris, Raphaël et tous les autres. Merci encore à Karine qui a vécu la course presque de l'intérieur d'un bout à l'autre, qui a assuré un support logistique et moral sans faille. Merci enfin à vous toutes et tous qui me donnez la force de me dépasser.

Ultra Trans Aubrac 105 km

L'ultra-trail, c'est une forme de retour à l'autorité du corps. C'est la version ludique de ce que faisait Néanderthal quand il allait chasser.

Etienne Klein, physicien

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