Une nuit à courir seul sur les chemins, guidé par les marquages sur les arbres et les pierres, l'idée est séduisante et l'expérience nouvelle. D'une maison à une autre... le but est de rejoindre la garden party du 14 juillet à pied... départ de La Fermeté dans la Nièvre pour rejoindre Saint-Agnan dans la Saône-et-Loire. Il est 20 h, on y va ?
Le sentier GR3 est le premier chemin de Grande Randonnée balisé en France. Les débuts de sa réalisation remontent à 1947, année de la création de la Fédération Française de Randonnée pédestre. Les premiers tronçons ont été balisés autour d’Orléans. Le chemin ne sera finalisé sous le nom GR3 qu’en 1983 après que deux autres chemins aient vu le jour. Aujourd’hui, le sentier suit la vallée de la Loire dans son intégralité, du mont Gerbier-de-Jonc à La Baule, sur une distance de 1243 km.
Contenu du paquetage : cette nuit du vendredi 13 juillet est douce et claire, un t-shirt suffira bien. Côté alimentation en revanche, je prévois large car sur un off, personne ne me tendra de sandwich à 4h du matin ! Côté eau enfin, je pars avec 1 L et je mise sur les points sur le parcours. J'emporte tout-de-même avec moi mon Crosscall avec son application GPS View Ranger pour prévenir tout égarement, on ne sait jamais. Ah oui, j'oubliais deux jeux de piles pour la frontale, que je n'utiliserai finalement pas. Tout rentre largement dans mon sac Olmo 5 L.
Topologie du parcours : la première moitié est relativement éloignée du lit de la Loire et serpente agréablement sur les collines, dans les forêts, de ferme en ferme. C'est d'autant plus sauvage que je m'enfonce dans la nuit. La seconde moitié est moins dénivelée, dans les cultures, sur des chemins sablonneux, le long de d'un canal. J'y traverse d'avantage de hameaux et d'habitations, évidemment déserts compte tenu de l'heure.
Courir la nuit, ça n'a rien à voir : voir le soleil se coucher et se lever le lendemain, sentir ses sens aiguisés par l'absence de vision lointaine, jouer au jeu de piste à chaque intersection pour trouver le bon chemin - les peintures des GR ne sont pas réfléchissantes comme peuvent l'être les rubalises. Et puis quelques frissons parfois en entendant bruisser les branches des forêts, ne sachant pas quel bestiau s'y cachait... Un petit truc sympa qui peut vous servir en pareille circonstance : chantonnez en progressant, histoire de vous signaler et de ne pas tomber nez-à-nez, ou plutôt nez-à-museau avec le grand cerf.
Des moments amusants ou inattendus : croiser les jeunes revenant de la fête de Decize avec un léger décalage d'ambiance, alerter les chiens des fermes et devoir les tenir à distance en y passant, être patient parfois pour trouver un point d'eau, monter à la table d'orientation de Decize en pleine nuit, pique-niquer sur la place de Cronat à 4h du matin dans le noir, arriver à Bourbon-Lancy pour l'ouverture de la boulangerie, naviguer sur 10 km avec le GPS piéton de Google Map, croiser un jogger au petit matin et lui expliquer d'où je venais...
Bref, de kilomètres en kilomètres, j'arrive finalement à destination dans le timing prévu, un peu avant 10h du matin. Une courte sieste, une douche, et le barbecue me tend les bras pour un après-midi plus reposant mais tout aussi agréable.
Cette nuit j'ai couru pour ma grand-mère. Mes efforts l'ont accompagnée du mieux que j'ai pu dans le terme de cette longue maladie qui l'a faite peu à peu s'éloigner de notre monde. Quand le soleil s'est levé au petit matin, il portait un message, et je savais qu'elle était sereine désormais. Et toujours là évidemment.
J'ai ancré l'espérance
Aux racines de la vie
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
Andrée Chédid - L'Espérance (mars 2004)