Si le célèbre écrivain écossais Robert-Louis Stevenson vint à la rencontre des Cévennes à l’automne 1878, ce fut suite à une déception amoureuse et par vive curiosité pour l’histoire des Camisards. Ses douze jours de traversée sont précisément décrits dans Voyage avec un Ane dans les Cévennes paru l’année suivante, dont je conseille la lecture avant tout pas sur le chemin… Non seulement vous y retrouverez bon nombre de détails géographiques, mais la poésie de l’ouvrage et l’histoire des Camisards transcenderont votre marche !
Ce chemin, devenu le GR70, est remis à l’honneur depuis 1994 par sa dynamique association basée au Pont-de-Montvert. Cette démarche précurseuse permet d’accompagner les randonneurs, de promouvoir le chemin et de mettre en valeur le partimoine.
A titre personnel, ayant passé une large partie de mes vacances d’enfance à Chasseradès, sur le chemin donc, j’ai - consciemment ou pas - été marqué par cette itinérance de marcheurs et de scouts qui passaient par la maison et portaient leur maison sur leur dos… C’est ainsi que depuis quelques années je retrouve ce chemin une fois par an en moyenne, au pas de marche ou au pas de course. Un retour aux sources, une bulle d’oxygène, le Velay, la Margeride, les Cévennes…
Vendredi 30 mars 2018
Un covoiturage avec l’ami Philippe, du chocolat noir, des emplettes à la salaison Méjean, l’installation du bivouac dans la salle des fêtes de Landos, des têtes bien connues parmi les bénévoles 3 Soleils et les coureurs, un troc de bouteilles de vin, un tour à la pharmacie, du bœuf en daube, une nuit courte pour préparer le lendemain…
Samedi 31 mars 2018
Un réveil à 4h45, un petit déj’ copieux et silencieux, un voyage en car pour aller au Monastier-sur-Gazeille, le mercure à -8°C et la lune lumineuse, le prêche d’un frère en doudoune orange en l’église St Jean-Baptiste, les sourires des grands départs, une cavalcade dans le premier kilomètre, la joie et la peine des chemins au pas de course, les oiseaux qui chantent à Goudet, les câbles à tenir au-dessus de la Loire, la montée régulière vers Fleurac, la large piste de St-Nicolas-du-Bouchet, 4h06 et 38 km, la douche chaude au vestiaire, la douche froide de la blessure de Claire, conduire en remontant l’Allier, Chasseradès, la bière chez Eric, à la ferme chez Crystel et Marc, un salut à Claude, puis Sylvette, un chargin immense, le Goulet et le Mont Lozère, le bivouac à Florac, sourires et rires, l’inquiétude du lendemain chez les coureurs, la paëlla party, l’extinction des feux si tôt…
Dimanche 1er avril 2018
La décoration des sacs coureurs avec mes poissons d’avril, le départ prudent, la montée du Bougès en Fanfare, les premiers pas dans la neige, la bascule après les cairns, la Cham de l’Hermet sans les fougères, l’abandon du chrono, les perce-neige, la micro-sieste, le chaos granitique du Pont-de-Montvert, la boisson isotonique poulet curry, les clochers de tourmente, Finiels, les Yaktrax, la montée dans les sapinettes, 1699 m, le ciel bleu, la Méditerranée et la vue à 360°, 18 km dans la neige belle et difficile, la Cham des Bondons et ses 154 mégalithes, l’ex mine d’uranium, la descente à tombeau ouvert sur Bédouès, l’arrivée, 10h21 et 66 km, la douche, la pizza 3 fromages de la Dolce Vità, les sourires encore et toujours, pâtes et saucisses, les éliminés des barrières horaires, une bonne nuit de récupération…
Lundi 2 avril 2018
Plier le bivouac, se remettre à courir, monter vers Barre-des-Cévennes, basculer seul dans la descente, caresser les genévriers, voler sur le calcaire, arrêt éclair au ravitaillement, faire la montée seul, serpenter sur la crête, avoir le vertige en me penchant vers Florac, m’arrêter pour humer l’air et le temps, repartir et me tromper, saluer les vautours, plonger vers la descente finale, tout donner, 4h22 et 35 km, 27ème au général des trois jours sur 60 coureurs au départ et 37 finishers, pas de féminine, la couverture, les amis, la douche glacée, la route, le retour…
Au bilan, la performance sportive est modeste, mais ce n’est rien au regard des belles heures passées sur ce beau et grand chemin. Et si je le préfère sous la chaleur écrasante de l’été, le spectacle enneigé du Mont Lozère et les retrouvailles avec les Cévennes calcaires valaient bien le déplacement.
Quant à la « famille » des bénévoles et des coureurs, c’est toujours une aventure extraordinaire que d’en faire partie durant 3 jours, vous avez été formidables toutes et tous… Voici la distribution non exhaustive, toutes mes excuses par avance : Fred dans le rôle du prêcheur, Isa la chef d’orchestre virtuose, Jean-Marie le photographe des stars, Greg l’homme qui habite au sommet du Mont Lozère, Christine la reine du ravitaillement, Coralie la nouvelle recrue pleine d’entrain, Guy le roi des sucres lents, Emilie aux fours et au moulin, Franck le débaliseur fou, Clément mon futur masseur personnel, Philippe coéquipier de choc, Claire foudroyée à la quinzième minute, Sylvain l’homme au camion gris, Seb le couteau entre les dents chaque jour, Hugo l’homme à la grande classe, Lucien le débutant prometteur, Stéphane et Guillaume les absents malheureux, Emmanuel le voisin de la région Centre, Jonathan le trailer hipster, Hervé mon lièvre blanc, Laurent champion de roulé-boulé, toi et toi et toi qui m’avez fait vibrer…
"J'avais cherché une aventure durant ma vie entière, une simple aventure sans passion, telle qu'il en arrive tous les jours et à d'héroïques voyageurs et me trouver ainsi, un beau matin, par hasard, à la corne d'un bois du Gévaudan, ignorant du Nord comme du sud, aussi étranger à ce qui m'entourait que le premier homme sur la terre, continent perdu - c'était trouver réalisée une part de mes rêves quotidiens." RL.Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes, 1878